Le cinéaste iranien Jafar Panahi a remporté samedi soir la Palme d’or du Festival de Cannes 2025 pour « Un simple accident », un drame sur fond de vengeance et de mémoire post-carcérale. Tourné clandestinement, le film marque le retour triomphal d’un auteur interdit de tournage et de sortie du territoire pendant plus d’une décennie. Une Palme politique, puissante et chargée de sens.
Dans « Un simple accident », Vahid, un mécanicien iranien, croit reconnaître en Eghbal, un client amputé, l’un de ses anciens tortionnaires. Le doute s’installe. Pour en avoir le cœur net, il l’enlève et organise une confrontation avec d’autres anciens détenus. Derrière ce dispositif à la fois simple et glaçant, Jafar Panahi signe un huis clos haletant sur la mémoire traumatique, la quête de vérité et les cicatrices invisibles de la répression.
Tourné à huis clos entre Téhéran et Ispahan, le film mêle comédie absurde et tension dramatique, avec un humour noir qui rappelle Beckett ou Haneke. La critique y a vu un chef-d’œuvre de cinéma allusif, puissant dans sa retenue, féroce dans sa dénonciation. Le jury présidé par Juliette Binoche a salué une œuvre « courageuse et profondément humaine », tandis que la presse évoque une Palme d’or « méritée et historique ».
Jafar Panahi, le retour d’un cinéaste bâillonné
Figure emblématique du cinéma iranien, Jafar Panahi n’avait pas mis les pieds à Cannes depuis 2003. Interdit de filmer, de voyager, emprisonné à plusieurs reprises, il avait été relâché en 2023 après une grève de la faim et une mobilisation internationale. « Un simple accident » a été tourné sans autorisation, dans la clandestinité, à l’image de ses précédents films comme « Ceci n’est pas un film » ou « Taxi Téhéran ».
Samedi soir, lorsqu’il est monté sur scène aux côtés de Cate Blanchett, les larmes aux yeux, Panahi a livré un discours sobre et poignant : « Ce qui est le plus important aujourd’hui, c’est la liberté de notre pays. » La salle Debussy, debout, a longuement applaudi. Le symbole était d’autant plus fort que la cérémonie avait été brièvement perturbée par une panne d’électricité de plusieurs heures, soupçonnée d’être un sabotage.
Cette Palme d’or vient consacrer bien plus qu’un film : elle célèbre la ténacité d’un homme qui n’a jamais cessé de filmer, même dans le silence imposé. Dans un contexte de répression persistante en Iran, elle résonne comme un acte de résistance artistique et un appel à la liberté.