Depuis des décennies, la Syrie est synonyme d’autoritarisme, d’oppression et de conflits. Mais, en ce mois de décembre 2024, un tournant historique s’est opéré : la chute de Bachar al-Assad marque la fin d’une dynastie qui a régné d’une main de fer sur le pays pendant 53 ans. Retour sur un bouleversement qui redéfinit le paysage politique et social de la région.
Tout a commencé en 1970, lorsque Hafez al-Assad, père de Bachar, s’empare du pouvoir à la faveur d’un coup d’État. Sous sa gouvernance, la Syrie devient un État centralisé, marqué par une répression brutale contre toute opposition. Pendant trois décennies, Hafez impose une stabilité fragile, à coups de purges politiques et d’une omniprésence des services de renseignement. À sa mort en 2000, son fils Bachar, jeune ophtalmologue formé à Londres, lui succède dans un climat d’espoir de réformes.
Mais cet espoir s’est rapidement évaporé. Loin de rompre avec le système paternaliste, Bachar al-Assad a renforcé l’autoritarisme de son père, plongeant la Syrie dans une spirale de violence à partir de 2011. La répression sanglante du soulèvement populaire, déclenché par les printemps arabes, a transformé le pays en un champ de bataille.
La guerre civile syrienne, qui a opposé le régime aux groupes rebelles et djihadistes, a marqué le déclin progressif de l’autorité d’Assad. Soutenu militairement par l’Iran et la Russie, il a maintenu son pouvoir contre toute attente, mais à un coût exorbitant : plus de 500 000 morts, des millions de déplacés, et un pays en ruines.
La situation économique a été le catalyseur des événements récents. Sous le poids des sanctions internationales, d’une corruption généralisée et de la dévaluation de la livre syrienne, le régime a vu son soutien populaire s’effriter. Les manifestations, autrefois étouffées, ont resurgi dans des bastions historiques comme Deraa et Alep. En 2024, la défection de hauts responsables militaires et l’érosion des alliances stratégiques ont scellé le sort du président.
Une dynastie renversée, mais à quel prix ?
La fuite de Bachar al-Assad, confirmée par des médias internationaux, marque la fin d’un régime dynastique. Mais l’après-Assad s’annonce tout aussi complexe. Le vide politique laisse place à des rivalités entre groupes d’opposition, tandis que les puissances étrangères, notamment la Russie, la Turquie et les États-Unis, cherchent à peser sur la transition.
Pour la population syrienne, épuisée par 13 ans de guerre, la chute du régime suscite des sentiments mitigés. Si certains célèbrent un tournant vers la démocratie, d’autres redoutent une nouvelle ère d’instabilité. Des experts mettent en garde contre le risque d’un scénario à la libyenne, où la chute de Kadhafi en 2011 a plongé le pays dans un chaos durable.
La fin de la dynastie Assad rebat les cartes au Moyen-Orient. Les alliés du régime, notamment l’Iran et le Hezbollah libanais, perdent un appui stratégique clé. En revanche, les opposants historiques, comme l’Arabie saoudite et Israël, y voient une opportunité de remodeler l’échiquier régional.
Cette chute interroge également sur l’avenir des interventions étrangères. La Russie, qui a lourdement investi pour maintenir Assad au pouvoir, pourrait reconsidérer son rôle dans la région. L’Occident, lui, est confronté à un dilemme : comment soutenir une transition démocratique sans reproduire les erreurs du passé ?
La chute de Bachar al-Assad met fin à une dynastie qui a façonné le visage de la Syrie moderne. Mais elle ouvre aussi une période d’incertitudes et de défis immenses pour un pays en quête de reconstruction. Alors que l’histoire s’écrit sous nos yeux, une question demeure : la Syrie parviendra-t-elle à tourner la page du despotisme pour embrasser une nouvelle ère de paix et de prospérité ?