Paris est connue dans le monde entier comme la capitale de l’amour, avec sa Tour Eiffel scintillante, ses cadenas de ponts et ses dîners au champagne. Mais derrière cette image de carte postale se cache un autre visage, plus discret et plus authentique, celui des amoureux des bancs publics chantés par Brassens.

Digne concurrente de Venise pour les amoureux de l’amour, Paris cache en elle une double facette de la représentation de l’éros. D’un côté, elle est un sex-symbol en puissance qui se maquille, se parfume, enivre et fait perdre la tête à ses admirateurs. C’est l’amour passionnel, qui peut rendre fou et aveugle. « L’amour au-delà du bien et du mal », comme dirait Nietzsche.
C’est cette version de Paris qu’adorent Roberto et Fatima, deux amoureux de longue date venus de Rio de Janeiro pour fêter leurs 25 ans de mariage. « Paris est, pour nous, la ville la plus magnifique et romantique au monde, sans débat possible. C’est exactement comme on l’avait imaginé, on a pris des photos à Montmartre, au pied de la Tour Eiffel et on se sentait dans une vieille comédie romantique. Ça a ravivé notre flamme ».
Mais ce Paris là n’enchante pas tout le monde. Céline, étudiante en 2e année de droit à l’Institut Catholique de Paris, prend le contrepied du vieux couple. Paris, dit-elle, ce n’est « pas comme dans les films. On n’est pas dans Emily in Paris ». Venue dans la capitale il y a deux ans pour ses études, elle raconte avoir emmené une amie américaine découvrir Montmartre. « On s’attendait à être dans Amélie Poulain, mais on a surtout croisé des perches à selfie et des stands de crêpes hors de prix ». Céline hausse les épaules : « On vend du rêve, mais ce n’est pas ça, l’amour ». Pour elle, prétendre que Paris est la ville de l’amour ne se justifie pas : c’est simplement un décor fait pour Instagram et TikTok. « Ce qui importe, c’est l’amour et pas la ville. Que je sois à Paris ou à Clermont-Ferrand, pour moi c’est pareil ».
« On est tombés amoureux de cette ville tous les deux »
Et pourtant, ce Paname si vieux et si tendre peut adopter une troisième silhouette de l’amour. Celle de Brel, de Brassens, de Ferré, de Trenet, de Gainsbourg et de tant d’autres qui ont chanté leur amour de cette ville et leurs amours au sein de cette ville. Flâner sur les quais de Seine. Chiner des vieux livres qui sentent l’histoire chez les bouquinistes. Goûter le Beaujolais nouveau avec un groupe d’amis et rentrer chez soi avec sa moitié sous des nuages bruineux reflétés par les lampadaires orangés du quartier latin. C’est à ces moments perdus que l’on ressent l’âme et l’essence parisienne. Il y a aussi ces terrasses chauffées où les couples se serrent sous les plaids, les bancs du Canal Saint-Martin qui deviennent des repaires d’amoureux les soirs d’été, les promenades au jardin du Luxembourg où des amours de sept à cent dix-sept ans se retrouvent. Ces lieux donnent le cadre d’un romantisme pudique et subtil, que ne captent ni les cartes postales ni les séries télévisées.
C’est l’avis que partagent Dieter et Brigitte, ce couple venu de Munich et installé à Paris il y a cinq ans pour une opportunité professionnelle d’un an. Ils ont décidé de rester et de construire leur vie ici, où ils se projettent désormais pour toujours. « On est venus sans aucune appréhension mais on est tombés amoureux de cette ville tous les deux. On ne se verrait pas vivre ailleurs ». Ils racontent leurs habitudes désormais familières : les croissants du dimanche matin à la boulangerie du coin, les balades aux Buttes-Chaumont, les soirées passées à discuter dans leur bistrot favori. « C’est ici qu’on a trouvé notre équilibre ».
Paris restera sans doute une scène mondiale pour les amoureux. Mais la vérité de l’amour peut s’écrire autre part, dans la banalité des gestes et des instants suspendus, loin des Champs-Élysées, trop coquets et superficiels. Et si aimer à Paris, ce n’était pas tant succomber à sa beauté extérieure que de se laisser surprendre par son charme intérieur ? C’est sans doute dans ce Paris sans artifices que l’on peut au mieux aimer Paris ; et aimer à Paris.