Le 18 novembre 2025, le Conseil de Paris a tranché. L’Hôtel de Fourcy, classé monument historique, abritera 17 logements sociaux au sein de ses 1 200 mètres carrés. Une décision jugée démagogique pour certains, une avancée sociale pour d’autres : ce projet révèle les fractures idéologiques des Parisiens.

Au sud-est de la place des Vosges, sous l’œil immobile de Louis XIII dressé au centre de la plus ancienne place royale de Paris, il existe un coin différent des trois autres. Collé à l’ancienne demeure de Victor Hugo au 6, le lycée professionnel Théophile-Gautier occupe discrètement le 6 bis. De l’autre côté, au numéro 8, se dresse l’Hôtel de Fourcy, où l’auteur du Capitaine Fracasse séjourna quelques années. C’est dans cet hôtel particulier que doivent être aménagés 17 logements sociaux.
Ce coin, déjà à part, tranche depuis longtemps avec le reste de la place. À la sortie des cours, le brouhaha des élèves envahit le trottoir, ponctué de wesh et de wallah lancés à tout bout de champ. Jogging, sacoches en bandoulière, sweats à capuche habillent le décor. On y rencontre une jeunesse qui ne vit pas ici, mais qui vient chaque jour suivre les formations du lycée, liées aux métiers de la sécurité. Le contraste est saisissant et c’est précisément dans ce cadre que s’inscrit la polémique autour de la création de 17 logements sociaux dans l’Hôtel de Fourcy.
Les élus de gauche soutenant le projet se félicitent d’accueillir « des publics essentiels à la vie de la capitale ». Ian Brossat, sénateur communiste et candidat à la mairie de Paris en 2026, affirme dans une vidéo publiée sur X que « ces logements seront destinés en priorité à des auxiliaires de puériculture, des éboueurs et des femmes victimes de violences. Un choix assumé qui vise à permettre à des travailleurs indispensables et à des femmes en situation de vulnérabilité d’accéder à un logement digne au centre de Paris ». Pour autant, l’attribution précise de ces logements n’a pas encore été officiellement confirmée.
À droite, le ton est tout autre. Le projet est jugé démagogique, voire hors-sol. « Les Parisiens ne trouvent plus à se loger, mais la mairie, elle, offre le grand luxe à prix d’ami », dénonce Aurélien Véron, porte-parole de Rachida Dati. Le chef de file du mouvement Changer Paris accuse quant à lui une opération « qui flambe tout dans l’apparence. »
« Une décision provoc »
« C’est comme si on mettait des appartements sociaux dans la cour du Louvre ».
Anne Arditi, ancienne professionnelle de la communication, habitant à deux pas boulevard Beaumarchais, ne cache pas son opposition. « Ce n’est pas approprié de mettre des HLM dans un lieu historique protégé. C’est évidemment démagogique », se désole-t-elle. Un avis partagé par Paul et Suzanne, retraités CSP+, installés àIssy-les-Moulineaux après avoir quitté Paris : « Très vite, ça va se dégrader », prédit le couple qui dénonce une décision provoc’ » . « Il va y a avoir le cannabis et tout ça, présage le couple. Les galeries d’art autour, elles vont devoir faire attention ! »
Sceptique, Suzanne s’interroge : « Est-ce que ces familles auront de quoi vivre avec le prix des supermarchés, des cafés, des restos du quartier ? Est-ce qu’elles y gagnent vraiment ? ». Quand on évoque la priorité donnée aux femmes victimes de violences conjugales, le couple modère : « Ça part d’un bon sentiment… À voir comment ça évolue ». Ils s’interrogent aussi sur la concertation locale : « Est-ce qu’on a demandé l’avis des habitants ? Si non, c’est un vrai scandale ».
« On accueille déjà des ados de quartiers défavorisés »
À l’inverse, certains saluent une décision de justice sociale et de bon sens. Arthus et Sarah, trentenaires aux revenus modestes, enseignants en région parisienne, voient dans le projet une « bonne nouvelle ». « Je ne comprends pas la polémique. C’est pas une parcelle de bâtiment qui va changer le quartier. Il n’y aura pas de four* ici », balaye, confiant, le fonctionnaire.
Un autre point sensible du projet est le devenir du lycée professionnel Théophile-Gautier, sensible aux questions sociales depuis longtemps. Moussa, éducateur depuis une dizaine d’années, soutient le projet mais exprime une inquiétude différente : “On accueille déjà des ados qui viennent de quartiers défavorisés, et malgré quelques remarques au début, les riverains se sont habitués”, assure-t-Il/soutient-il.
Toutefois il redoute l’impact du projet sur le lycée professionnel dans lequel il exerce : « On entend des rumeurs, apparemment la mairie voudrait récupérer nos locaux pour ce projet ». Moussa rappelle qu’avant, l’Hôtel de Fourcy servait précisément au lycée : « On avait des bureaux, des salles de classe. Mais depuis cinq ans, la mairie a repris la main dessus et on ne peut plus y entrer. On reste cantonnés au bâtiment du 6 bis, qui est assez petit ». Une mixité sociale qui pourrait s’installer au détriment d’une autre ?